Toi, Nanou, Jeannine, Ma Sœur
Hier, je t'ai vu sur ton lit d'hôpital. Je t'ai serrée dans mes bras et nos larmes se sont mêlées, silencieusement dans un corps à corps. Nous avons eu besoin de nous tenir, de nous donner du réconfort. Le silence n'était pas pesant, c'était des mots de silence qui voulaient tout dire, tout se dire.
Pourquoi! A quoi bon une réponse... en attendons- nous une vraiment; même pas. Je tiens ta main et regarde ce corps qui se décharne. Toi si élégante, élancée, je te retrouve allongée à ne pas pouvoir tenir debout; corps si fragile, si vieilli par la maladie. Ta main ne quitte pas la mienne comme pour trouver un peu de force. J 'ai presque honte d'être en bonne santé.
IRM : devant ta crainte de cet examen, nous décidons de t'accompagner; balade à travers les couloirs, toi sur ton fauteuil roulant et nous à tes côtés. On finit par plaisanter, à savoir si on retrouvera le chemin du retour; interminable ce couloir mais il est comme une porte ouverte vers une liberté.
Quelle liberté! toi qui voulait être libre, tu vas l'être bientôt, j'espère pas dans de trop grandes souffrances.
"Qu'ai-je fait de ma vie": m'as tu dit
le paraître est si aléatoire,
Il te fallait être parfaite, sans défaut; tu nous faisais rire et on se moquait souvent de tes manies; pas un faux pli sur tes vêtements, ton visage rayonnait sous une perfection de maquillage, jamais de cheveux blancs, couleur brune unie.
Il nous arrivait d'aller pique niquer dans nos garrigues ou au bord de la mer; même là, tu osais arriver avec des pantalons blancs et chaussures de toiles blanches immaculées; Et nous on attendait la tâche, le défaut qui allait forcement arriver. Mais non, on se demandait toujours comment tu faisais pour être aussi nickel.
Mais un jour, lors d'un pique nique, quelle mouche t'a piqué à vouloir faire du cheval; j'en ris encore; toi, tout en ligne, tout en élégance monter sur un cheval... tu en avais déjà peur et te voilà après maint essai sur son dos. Au trot ça allait,.. un peu,.. ne pas sortir les pieds de l'étrier mais toi, tu n'as pas écouté et voilà le cheval au galop, tu sautes, tu plies, tu te tiens au cou du cheval, quelle chute,! ..., tu t'es relevé ..hirsute, pantalon, chemisier déchirés, genoux, coudes, visages écorchés.. je nous revois te regardant tel un extra terrestre, les yeux arrondis partagés entre le rire et la peur. j'avoue que la peur passée nous avons ri longtemps, jamais au grand jamais nous ne t'avions vu ainsi... Et toi, vexée tu t'es mis dans une colère devant nos rires! ce qui n'empêche pas d'en rire encore et encore.
Tu es l’aînée et tu as souvent supplée maman; une deuxième maman en sorte. Tu étais formidable dans ce rôle, je te le laissais volontiers, moi j'avais juste à m'occuper de mes frères (je suis la 3ième) et entre corvée de ménage et celui des jeux , je préférais les jeux.
Mais oui ma grande, même en taille tu es grande, 1m80; alors nous tes frères et sœurs on évitait d'être trop à ta portée quand tu te mettais en colère, mais qu'est ce qu'on te "chinait"!
A l'âge adulte, tu es restée notre aînée, toujours un peu inaccessible mais tout notre amour et respect est encore là; C'est sûr, on t'écoute moins, et nos discutions sont des discutions animées,.
Maintenant tu es là, si fragile sur ce lit d'hôpital, je ne sais pas combien il te reste encore de temps (si peu) mais nous allons nous souder pour t'apporter tout notre amour;
lundi, on va te raser tes beaux cheveux et opérer cette métastase au cerveau; pourras tu le supporter, tu es si faible psychologiquement, physiquement. A quoi ça sert, les métastases envahissent le reste du corps.
on essayera de revivre nos moments avant le grand départ, pourrons nous les vivre; je viens de parler avec mon autre sœur et nous avons ri de toutes nos bêtises que nous avons faites ensembles;
c'est drôle dans des moments comme cela on rit...
Ma Nanou, comme j'aimerai que d'autres rires égayent encore nos moments, mais les pleurs vont maintenant s'y mêler.
Nous serons tous là près de toi... et puis un jour on se retrouvera, c'est juste l'espoir qui nous reste, se retrouver un jour.
je t'embrasse tendrement ma Nanou
Marie